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Petite mécanique des mots

25 novembre 2007

Le dandy chiffonné.

Bipède mâle moyen,
dandy chiffonné,
mâché papier, je sèche
en boule.

Tout petit point parti
au bras d'un mieux
que moi. Paradis
pas cool.

J'lui avais fait l'ivresse,
le vent dans mon bolide
Paris-La Baule facile,
déboule.

Promesse d'été solide
le port, les bains d'mer
cornet d'glace à deux
boules.

Coeur sculté docile
sous l'écorce les filles
solitaires et revêches
black-boule.

Aller où on est mieux
c'était prétexte
adieu kleenex au milieu
d'la foule.

Oublier.. Oh... Oublier
le feu de ses baisers
quand sur la mer
y'a d'la houle.

Miroir... Mon faux regard
et là seul à savoir
si ça valait  l'coup
d'boule.

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24 novembre 2007

Galiéni terminus.

Les yeux collés, encore, malgré le jour et le réveil. Presqu’une heure  depuis Sembat, regards croisés à peine. Hoquet de la voiture à la suite de la rame, éclair blanc-bleu au changement d’aiguillage.

Une voix.

Derrière accent de métal et  cache de parasites, humaine, pourtant  :

- « Galienni terminus, descente à gauche.»

Flottement fatal,  ai failli me cogner à la main courante en métal.
Merde, c’est où la gauche ?

QUAI NUMÉRO TROIS, GALLIENI STATION, LIGNE TROIS.

Long quai de bitume noir et comme verni. Trompeuse suavité du propre industriel. Panneaux indicateurs lumineux,  affiches publicitaires, sièges en métal coloré thermo-moulé, identiques et banals. 

Au bout, un escalator étroit et lent.

L’escalier, c’est mieux.

L’effort de trois ou quatre enjambées,  j’arrive aux portes pneumatiques, avant la masse lente et floue des employés de bureau. Toujours ça de gagné ;  l’escalier mécanique qui mène au monde est encore et depuis deux mois en dérangement temporaire pour mieux nous donner satisfaction.

Déjà ça sent novembre, la pluie.

L’autoroute A3 s’égoutte sur la sortie depuis l’autopont.

N'ai pas de parapluie.

Sur le béton de la gare routière,  un abri : le pont. Évitant les cataractes de l’autoroute et longeant au mieux, je devrais limiter les dégats. J’ai zippé mon cuir, ça protège un peu. Il est neuf heures, pas loin, mais il fait gris nuit. Seuls, ça et là, des halos de ville oranges affadissent  la vie après le scalpel cru des néons du tube, histoire d’uniformiser les contours, d’arrondir les angles, de diluer les différences. Un autobus articulé vient de démarrer et me  frôle, négociant son virage. J’aspire les gaz d’échappement. J’accèlère, slalommant autour des gens,insectes rampants. Je vole un peu de chaleur au bidon d’huile percé d' un paki débrouillard.

Incongruïtés de barbecue et de maïs.

Le centre commercial régional est allumé.

Meringue bouffie, tapageusement éclairée.

C’est encore le réassort, les dernières vérifications des porions du commerce. Pas encore la consomation en masse. Une simili colonne Morris, un vendeur de journaux en sentinelle, veille comme un rempart.

Je passe.


L’hôtel de gare clinquant abrite ses touristes asiatiques et pressés.

-«Des chambres pour moins que rien, à deux pas de la gare routière, du métro, des taxis, à vingt minutes de Roissy, à dix du centre de Paris ! »

Si leur pub ne le dit pas c’est vraiment qu’ils se fouttent de leur gueule. Les vitres fumées renvoient mon image tronquée, déformée, réelle.  Les cheveux mouillés, je sens des gouttes dans mon cou. Le groupe des touristes (des japonais, sans doute) sort de l’hôtel avant de s’engouffrer dans le Pullman d’un tour opérator. L'un d'eux, en quête d’exotisme, balaie en panoramique l’avenue Gambetta.

Il ramènera l’image de sa caméra numérique : des boutiques de jeux vidéo , d’informatique et un bar brasserie au pied des immeubles de bureaux.

24 novembre 2007

Un filet bleu

un filet bleu

                        tendu entre

                                                deux cerisiers

près de la vigne folle…

Un balancement léger

— l’idée que ta sandale en est la source —

imaginer…

La délicatesse de ta cheville,

la fine morsure de la lanière &

se souvenir que ce n’est que le vent.

Un ballon — inutile et vaine baudruche —

flotte,

dans la piscine désertée et déjà tièdie,

ridiculement.

Un verre renversé;

le papier poisseux d’une glace à l’eau parfum citron

la coupe où affleurent encore les sillons de tes lèvres

un livre de poche fatigué

mots offerts inconnus

herbe rase et jaunie.

Là, les ombres ont tourné.

Plus tard

(comme si tout revenait…)

Sur le guéridon en fer, dans un pot de grès,

les mégots secs de vos lèvres et la cendre

grise et froide — arrière goût.

Plus loin,

dans cette chambre d’emprunt aux volets clos,

la lumière chiche ne dévoile que les roses en bouquet

passé.

 

Ne pas vouloir regarder vos feux disparaître dans l’allée.

20 novembre 2007

Un trajet...

Dans cette proposition qui date de l'an dernier, il s'agissait si je me souviens bien d'aller chercher un trajet dans nos souvenirs...

15 octobre 2006

Le fantôme des étés passés

Ca commence avec le petit déjeuner. Un gros tronçon de baguette, fendu, beurré, saupoudré de chocolat râpé. Râpé au couteau, ce qui fait des copeaux. C’est un truc de Mamie. Elle fait ça avec un couteau de table, manche de bois et lame de fer, usée par le fusil.

J’ai du boire quelque chose, aussi. Trop jeune pour le café... c’est du chocolat sans doute. On va dire un chocolat. Je quitte la cuisine et traverse la pièce principale, à la fois salle à manger et salon, avec ces meubles, faits d’une sorte de gros rotin verni, cloué grâce à de petites pointes dorées : un banc, qui fait mal aux fesses et ce gros buffet où l’on range les cartes, les petits chevaux, la piste de yam’s au tissu vert billard, ainsi que les bouteilles d’apéritif. Du coup ça sent un peu l’anis mêlé au bois. J’aime bien le canevas accroché juste au dessus.

Mamie a du rester à la cuisine. Papi je ne me souviens pas. Il est sans doute sorti acheter le journal, Sud Ouest, édition de Bordeaux, bien que l’on soit au pays basque. A Biarritz. Les cigarettes, grosses et brunes, dans leur drôle de paquet bleu à tiroir, ce sont des Gitanes, la marque familiale. Elles auront papi.

Je traverse donc cette pièce et ses gros meubles et je passe dans la chambre. Ce ne sont pas encore des lits superposés. Les cousins ne sont pas si nombreux. Il y a deux lits jumeaux, séparés par une table de chevet – dans le même rotin. Je prends mes affaires de plage. C’est juste une serviette et des claquettes rouges et bleues en plastique moulé. Ce que je porte ? Un bermuda et un t-shirt, comme toujours. Un coucher de soleil me barre la poitrine.

J’ouvre la fenêtre et me hisse tant bien que mal. Cette opération est rendue ardue par le garde-corps, dispositif superflu puisque c’est le rez-de-chaussée. Je me laisse glisser pour prendre pied sur le rebord qui fait le tour du bâtiment, à sa base. A dix centimètres au dessus du sol, à peine. L’objectif, le jeu plutôt, consiste à rester sur ce rebord pour atteindre l’entrée. C’est un jeu, puisqu’il me suffirait d’aller tout droit pour rejoindre l’allée et gagner la rue. Mais il me faudrait traverser de gros graviers bruyants, ces cailloux qui se glissent entre pied et claquette, il me faudrait piétiner dans ces sales graviers qui empêchent de bien marcher, comme du sable plus gros. Et puis c’est beaucoup moins drôle. Alors que là je contourne l’immeuble sur un rebord de trente centimètres de large, glissant, exposé aux vent, à une chute fatale et au repas des crocodiles... Faisant fi de tous les dangers, des pygmées, d’une poignée réducteurs de têtes jaillis de « l’oreille cassée » et des dakoïts de l'Ombre jaune. J’arrive à gagner l’entrée, l’allée bitumée et la rue.

C’est une belle matinée d’été. Le soleil commence à peine à chauffer. Il y a un peu d’air. Le trottoir descend comme une introduction, une promesse. Je sais où il mène.

Je descend la rue, laissant courir mes doigts sur le béton râpeux des murs de la résidence. Ca écorcherait presque, pas vraiment. Jusqu’ici rien de bien extraordinaire. J’arrive sur une place triangulaire, passe devant le petit Casino. A l'ombre, ca sent le melon. Le patron se tient dehors en tablier, près de son étal surchargé de cagettes et de cartons. Je continue, tourne à droite au coin de la pâtisserie, spécialité de gâteaux basques et de roulés au citron. Je passe au soleil. Quelques pas à peine et j’atteins la droguerie. Le nom, me fascine : droguerie, ce n’est pas banal. Et puis il y a l’odeur, celle des accessoires de plastique encore neufs et de tous les produits chimiques stockés à l’intérieur. Un intérieur sombre par rapport à la luminosité du dehors, que je n’ai jamais exploré, où les gens doivent vivre dans une pénombre perpétuelle. Il y a enfin, sur le seuil, l'étal, un saisissant bric-à-brac où figurent pèle mêle des chaussure pour aller aux crabes, des pelles, des seaux avec des créneaux, d’autres pelles, des palmes noires en caoutchouc rendu odorant par la chaleur, des masques pour nager sous l’eau… Souvent je m’y arrête un moment.

Pas aujourd’hui : je continue, passe devant la boutique du boucher, tablier vichy et petite moustache soignée, puis le long du cinéma. Il y a à dire à son sujet. A commencer par le fait qu’il ressemble à tout sauf à un cinéma, justement. Mais l’épicerie fine, juste après, captive tout de suite mon odorat. A cette heure de la matinée elle embaume la rue. On y torréfie du café.

Plus loin il y a un très vaste garage automobile aux vitres brisée, à l’odeur étrange de gaz d’échappement froids. Pour changer, avant de l’atteindre, las de descendre, je tourne à nouveau sur ma droite. La rue, entre les villas massives, monte vers le phare. Je dépasse «crocodillos», une résidence secondaire aux fenêtres de laquelle sèchent toujours des serviettes de plage. Me voici au plus haut de mon trajet, à un carrefour. Ensuite, ça redescend.

Je regarde bien des deux côtés, comme on me l’a recommandé. A gauche l’avenue s'éloigne vers le centre-ville, en passant devant l’église orthodoxe au dôme d’azur façon antirouille. A droite elle monte vers le phare. Face à moi, à ma hauteur, au dessus des bâtiments qui bordent la plage : le ciel. Bleu, tendu en travers de l’espace.

Je traverse sur le passage piéton, m’engage dans une nouvelle descente, raide cette fois, qui mène à un escalier. Les volées de marches s’engagent dans l’ombre humide et saline entre deux hautes villas, un détroit sombre… Le moment que j’attendais.

Le cœur me bondit dans la poitrine. Je découvre la mer. Entre ces deux pans de pénombre, en bas de cet escalier. Une bande de vent, soudain, de lumière et d’écume. De bruit, aussi, celui des vagues, du ressac. Le grondement des rouleaux. Le son effervescent de l’écume sur le sable - que je ne peux encore qu'imaginer.

Tout se fige. Ca fait trois bandes : deux obscures et silencieuses qui encadrent cette ouverture vers la mer, vers l’élément mouvant, intense, vert et profond.

C’était dans mon enfance. A l’époque c’était toute ma vie.

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